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Mercredi 11 Avril 2007
Ouazib Mohand Amezian,
chanteur-interprète kabyle original
''Je suis victime de ma sincérité''
Doué d'une sensibilité artistique naturelle irréprochable, Ouazib Mohand Amezian, chanteur-interprète au regard riche de sens et respectueux du sens des arts, dira en premier lieu : "On ne peut chanter l'art au sens noble du terme, que si l'on ressent la peine des autres, tout en étant soi-même. c'est-à-dire sincère et original." Sollicité pour un entretien, en homme modeste riche des valeurs ancestrale et artistique, il nous parle à cœur ouvert, d'un sens d'humanisme irréfutable, il répond.
La Dépêche de Kabylie : Ouazib Mohand Amezian, votre dernière production remonte à quand ?
Ouazib Mohand Amezian : le dernier album remonte à 2006, avec neuf chansons de différents thèmes, chez les éditions Akbou musique. Certainement, il y'aura ceux qui me reprocheront d'avoir chanté la jeunesse à mon age, mais il ne faut pas oublier, que même la chanson des sages, il y'en a ceux qui ne l'ont pas comprise. Donc, il faut penser aussi à la jeunesse qui suit la chanson de leurs fleurs d'âge. Disons plutôt que j'ai chanté pour tous les âges. Chose faite, à ma connaissance : j'ai transmis le message de fraternité et d'humanisme. J'ai chanté l'amour-propre, l'amour du pays et les valeurs nobles de façon générale. Je ne peux chanter haine,du moment que l'artiste au sens noble,est d'abord celui qui a l'amour-propre dans son coeur et le sentiment de fraternité.
Si l'on vous demande à quel âge vous avez commencé à chanter et comment êtes-vous venu au monde de la chanson, bien que votre nom ait dépassé les frontières, et ce depuis vos débuts dans le monde de l'art ?
Je ne sais pas si mon chant a dépassé les frontières ou pas. D'ailleurs je n'ai pas cherché à l'extérioriser à l'étranger, car je pense qu'il faut faire sortir d'abord notre art de nos villages et de nos villes, et le faire connaître d'abord localement, avant qu'il ne soit connu à l'étranger. Concernant mes débuts dans la chanson, Il y'a ceux qui ne me croiront pas, si je dis que j'ai commencé la chanson à l'age de 13 ou 14 ans. Je suis un fils de Bounaâmane. J'ai crée un groupe moderne qui s'appelle Imounane (les indépendants). Le plus âgé de nous avait 16 ans. Il y'avait (six) éléments,dont mon beau-frère, Youcef Rami, Djaâfar Chachoua, cela remonte aux années 1972/1973, à l'époque, j'ai intégré les scouts du FLN, juste pour avoir une chance de chanter en kabyle dans les salles de spectacle à Alger et Birkhadem, pour faire entendre notre langue et voix … Interruption. "Ses yeux coulent de larmes,en se rappelant le passé, où il était un défi de chanter en kabyle à Alger"… Je continue. Ces larmes ce sont des larmes de joie, du fait de se sentir reconnu et respecté dans son pays après tant d'années de sacrifice et combat pacifique pour notre langue et identité. Aujourd'hui, les Algériens se reconnaissent entre-eux que nous sommes frères et unis pour le bien de notre pays. Auparavant, on était jeunes, on chantait par amour du pays et attachement à ses racines, aujourd'hui, j'ai compris la différence entre le passé et le présent. A ce propos je donne en exclusivité un refrain d'une chanson inédite,et qui sera enregistrée dans le proche avenir :
Mazaliyi akamaafragh,
Adounith iyisagadhan,
Nek urnakagh uratsakragh,
Iwakken akmagadhagh
Dhabridh tidhets ayikhtharan
Ghass dhabridh guitehassabegh
Lamaana dhegss houlbabegh
Aken yebghu yessawan
Imi uratsakragh urkhadaagh
Urankenugh uratruzagh
Tikher iwassan adhessaaban
Thidhets urisadasaksagh
Ghasse guer laarour rakhsagh
Thgayi amkane guer yargazan,
Ceux qui veulent reproduire ce poème c'est permis dès maintenant.
Ouazib Mohand Amezian, un chanteur qui a tant de fans, très connu sur la scène, et il a marqué les cœurs des milliers, mais il n'est pas assez médiatisé par les différents médias. Pourquoi?
Que veux-tu que je dise ? L'adage de nos ancêtres dit : "Celui qui veut vivre, qu'il meurt". Si je ne suis pas assez médiatisé, je dirai peut être, que le travail que je fais dérange ou ne les intéresse pas. En 1988, et bien avant, mes spectacles étaient archicombles avec les immortels poètes Ben Mohamed,et l'animateur et poète Amar Derriche, Que ce soit à la salle du théâtre national ou bien dans d'autres salles à Alger centre. Aujourd'hui que je suis devenu plus sage encore avec l'âge et le temps pour faire mieux, je me retrouve marginalisé surtout par les médias lourds, dont la télévision nationale. Je ne sais pas pourquoi, et pourtant j'ai bien demandé à plusieurs reprises de me produire, on me refuse indirectement.
Mohand Amezian, possède un riche répertoire thématique, quel style de chanson écoutez-vous de façon générale ?
L'art en général n'a pas de frontière. Mais je dirai que je m'inspire beaucoup plus de la richesse du terroir, tout en essayant d'apporter des touches, pour l'amélioration. Mais aussi, j'écoute et bien sûr, toutes musiques du monde. Tels le grec, le turque. Je peux dire que lorsque j'écoute la musique turque,je me retrouve au Djurdjura, à Tamgout, à Azzefoun, à Bounaâman et à Akfadou et autres. Pour illustration, par exemple, la Turquie a beaucoup pris de notre patrimoine artistique durant l'occupation ottomane, de ce fait, sa récupération je crois serait nécessaire. Aussi, beaucoup de nos jeunes chanteurs aujourd'hui, croient que le chaâbi, c'est le fait de rapporter des autres traditions des chants chaâbis d'autres cieux, mais il faut savoir que l'on peut chanter chaâbi de son propre vécu lié à son environnement socio-culturel.
On ne peut prétendre à une place dans le ciel,si l'on fait dans l'importation des musiques du monde,bien que je ne sois pas contre l'ouverture et l'universalité musicale. Mais si l'on veut sortir de l'anonymat, il faut valoriser son propre patrimoine musical et artistique local, sortir l'art de son village, de sa ville et de son pays d'abord, pour qu'il soit connu et reconnu par autrui. C'est ainsi que l'on peut faire sortir notre art des frontières. A la question de l'extériorisation de mon chant à l'étranger, je dis sincèrement, je chante ce qui me tiens à cœur et originale, sans penser à autres choses. Je suis un fils de Bounaâman. Je chante pour mon pays d'abord. En toile de fond, la qualité musicale et artistique m'influencent quelque soit leurs origines.
Comment se situes-tu dans la chanson, par rapport à la chanson du passé et de l'histoire de la chanson kabyle, et le chant actuel ?
Les lecteurs m'excuseront si je dit que l'art n'as pas changé, mais plutôt, il y'a manque et absence totale d'encouragement de la chanson à texte. C'est cela qui a changé à mon avis. Par contre la chanson commerciale est bien notée. Autrement dit, la chanson qui éveille les esprits et encourage la citoyenneté est absente de nos jours. Mais je peux dire qu'il y' a des chanteurs bien ancrés dans la société. il suffit de bien réfléchir et d'analyser les situations,pour mieux comprendre les choses.
Ouazib est invité à l'occasion de la fête commémorative du 20 avril à Beni maouche dans la wilaya de Béjaïa, que diras-tu à propos ?
C'est une région historique que je respecte, autant elle est liée à l'histoire de cheikh Ahedadh à Seddouk. C'est un grand honneur pour moi, je me sens un de ses fils. Je ne peux dire oui pour le moment par crainte de ne pas être au rendez-vous d'ici là. Pour l'instant, je ne peux confirmer ni infirmer, et ce pour des raisons de santé bien évidents, si non, c'est avec un grand plaisir que je réponds oui à l'invitation dès maintenant. Cela dépend de ma santé. Autrement dit, rien ne m'empêche d'aller partager des moments de fête et de joie.
Quelques paroles pour conclure aimablement ?
Il y'a des domaines où la ruse est maître des situations, moi je suis sincère. Je peux dire que je suis victime de ma sincérité. Tout en étant moi-même, avec mes défauts et qualités comme tout être humain sur Terre, dûment conscient et digne de son existence. Quant à mes fans, je les salue, en leur disant que toutes les chansons anciennes qu'ils aiment sont éditées par Akbou musique. Il y'a huit CD, huit cassettes, aussi, il y'aura vingt-cinq cassettes qui seront mises sur le marché prochainement.
Entretien Réalisé par Amar Chekar
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